jeudi 26 mars 2015

Les motaumates


Du coup, j'ai fini par l'écrire.
Régulièrement, dans le langage courant, j'avais remarqué que surgissent des expressions qui se propagent en quelques semaines comme de pacifiques épidémies. Elles traduisent probablement un ressenti commun, une idée du monde qui s'imposeraient tout-à-coup d'eux-mêmes, soufflant à l'oreille du locuteur l'intuition qu'elle est l'image évidente, authentique, qu'il se construit lui-même, le terme le plus spontané qui s'impose à son expression.
« Du coup » s'est installée ainsi dans le début de l'année passée, elle a fleuri dans tous les commentaires, interviews, examens et conversations à tous propos, dans le monde réel comme dans les médias.
Du coup (si je puis me permettre), disparurent les « heu... », les conjonctions incertaines et les lourds silences de l'hésitation. « Du coup » s'est peut-être imposée dans ce climat de crise et d'incertitudes par cet avantage imparable qu'elle fournit, de cimenter dans une causalité logique, les termes qu'elle assemble. Ce qui suit est la conséquence logique de ce qui précède. Magnifique mécano linguistico-déductif !
Pour le politicien comme pour l'étudiant interrogé sur son exposé, les corrélations douteuses, les surgissements inattendus prennent aussitôt l'allure d'un grand schéma général où tout était déjà construit et savamment articulé. Les enchaînements d'idées les plus improbables font figure de savantes improvisations et sont ainsi intégrés à la manière dont les restes douteux d'une cuisine incertaine deviennent vol-aux-vents sous l'épaisseur d'une sauce qui n'a de financière que l'économie de son procédé.
Après les « au niveau » des années septante où l'on célébrait la relativité des idées, les « tout-à-fait » adhésifs du triomphe entrepreneurial des années Tapie, nous aurons connu la concertation préliminaire implicite des « on va dire », puis juste avant, si l'on veut bien se rappeler, ce « aux jours d'aujourd'hui », bégaiement spatio temporel rétroactif qui conduit à déployer l'instant bachelardien dans un temps réel se regardant en surplomb.
Bon voilà...
Tiens, avez-vous remarqué comme ce petit « voilà » semble faire figure de nouvel espoir ? Très commode lui aussi, il clôture l'ellipse qu'il annonce par son simple renoncement.
Décembre 2012

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire