Les motaumates
Du
coup, j'ai fini par l'écrire.
Régulièrement,
dans le langage courant, j'avais remarqué que surgissent des
expressions qui se propagent en quelques semaines comme de pacifiques
épidémies. Elles traduisent probablement un ressenti commun, une
idée du monde qui s'imposeraient tout-à-coup d'eux-mêmes,
soufflant à l'oreille du locuteur l'intuition qu'elle est l'image évidente, authentique, qu'il se construit lui-même, le terme le plus
spontané qui s'impose à son expression.
« Du
coup » s'est installée ainsi dans le début de l'année
passée, elle a fleuri dans tous les commentaires, interviews,
examens et conversations à tous propos, dans le monde réel comme
dans les médias.
Du
coup (si je puis me permettre), disparurent les « heu... »,
les conjonctions incertaines et les lourds silences de l'hésitation.
« Du coup » s'est peut-être imposée dans ce climat de
crise et d'incertitudes par cet avantage imparable qu'elle fournit,
de cimenter dans une causalité logique, les termes qu'elle assemble.
Ce qui suit est la conséquence logique de ce qui précède.
Magnifique mécano linguistico-déductif !
Pour
le politicien comme pour l'étudiant interrogé sur son exposé, les
corrélations douteuses, les surgissements inattendus prennent
aussitôt l'allure d'un grand schéma général où tout était déjà
construit et savamment articulé. Les enchaînements d'idées les
plus improbables font figure de savantes improvisations et sont ainsi
intégrés à la manière dont les restes douteux d'une cuisine
incertaine deviennent vol-aux-vents sous l'épaisseur d'une sauce qui
n'a de financière que l'économie de son procédé.
Après
les « au niveau » des années septante où l'on célébrait
la relativité des idées, les « tout-à-fait » adhésifs
du triomphe entrepreneurial des années Tapie, nous aurons connu la
concertation préliminaire implicite des « on va dire »,
puis juste avant, si l'on veut bien se rappeler, ce « aux jours
d'aujourd'hui », bégaiement spatio temporel rétroactif qui
conduit à déployer l'instant bachelardien dans un temps réel se
regardant en surplomb.
Bon
voilà...
Tiens,
avez-vous remarqué comme ce petit « voilà » semble
faire figure de nouvel espoir ? Très commode lui aussi, il
clôture l'ellipse qu'il annonce par son simple renoncement.
Décembre 2012
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